jueves, 17 de diciembre de 2009

Choniques de Voyages

Chronique patagonique : dernier tronçon de la route 22

Le pare-brise couvert de rosée matinale a commencé à sécher dès le lever du soleil. Malgré la mauvaise nuit passée au premier étage du bus cinq étoiles reliant Buenos Aires à Bariloche, je tiens à garder les yeux ouverts au cours du dernier tronçon de la route 22 entre Rio Colorado et ma destination : Choele-Choel. Le chauffeur respecte religieusement la vitesse règlementaire - 90 Km/heure- ce qui me permet d'analyser en détail le paysage, et sous un angle de 180° car je suis assis au premier rang. Les bornes kilométriques se succédent le long de la route, presque au rythme de mes paupières.Comme d'habitude en Patagonie, la proportion du ciel par rapport à la terre dans l'horizon impressionne. Un camion citerne s'y distingue avec netteté, comme immobile devant nous sur la route qui semble se déplacer. A espaces réguliers des antennes pointent leur dard métallique rouge et blanc vers le ciel. Une d'entre elles s'eest effondrée, lasse d'affronter le vent. D'innombrables poteaux de bois en 'T' transportent l'électricité. Les chauffeurs des véhicules lourds se saluent de la main lorsqu'ils se croisent, comme pour s'envoyer el message mutuel 'tu n'es pas seul sur le chemin'. Des fils de fer barbelé bordent la route, d'utilité douteuse pour ceux qui ignorent que parmi ce désert de pierres, d'arbustes et de broussailles circule un bétail en quête d'une nourriture rare. Les pauvres bêtes ne peuvent faire face au mortel dilemne : ou ils s'éloignent des points d'eau pour trouver de la nourriture, et meurent de soif faute de force pour y revenir. Ou ils restent près des sources mais n'y trouvent que des terres rasées où ils finissent par mourir de faim. Au coeur de cette plus forte crise depuis les années soixante, le bétail sur pied ne vaut plus que 50 dollars par tête.Nombreuses d'ailleurs sont les barrières d'entrée ensablées des 'chacras' (propiétés d'élevage), indice d'un abandon momentané ou définitif. De temps en temps la chacra est en bordure de route ce qui permet d'en détailler la composition type : un bâtiment trapu et rectangulaire fait de briques qui le masquent dans le paysage; une éolienne perchée sur une tour et souvent associée à un réservoir d'eau; un enclos pour le bétail ovin ou porcin, une carcasse de voiture à côté d'un véhicule en état supposé de marche, et l'inévitable chien méchant prêt à agresser tout inconnu.
Mais où sont donc les habitants? Touristes empressés ou nostalgiques, ne cherchez pas les gauchos. Ils sont rares, se mêlent au paysage et sont plutôt à l'intérieur des terres.La trace humaine la plus fréquente est en fait représentée par des pneus en morceaux, la plupart du temps témoins déchiquetés d'un drame ponctuel sur la chaussée. Certes, il y a des restaurants isolés, mais ils sont très rares. Sur plus de cent kilomètres, j'en ai seulement compté un - "La costeleta"-et n'ai pu déceler s'il était ouvert oufermé. De maniète quasi obsessionnelle, mon regard revient à la bande d'asphalte bordée de deux lignes blanches qui semblent se rejoindre à l'horizon : Euclide, tu avais raison!
L'esprit revient toujours sur terre : non seulement la borne annonce les 1000 km marquant ma destination, mais les manifestations humaines caractéristiques des entrées d'agglomérations se multiplient : pompes à essence, petits restaurants, quelques pelouses toujours vertes car arrosées chaque jour, ... et un casino surgi de nulle part. Plus de doute, je suis bien arrivé à Choele-Choel.

Buenos Aires, octobre 2009

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